Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 83
Le mardi 18 mars 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président
- Déclarations de Sénateurs
- Affaires Courantes
- Période des Questions
- ORDRE DU JOUR
- Le code criminel
- Projet de loi d’intérêt privé
- Projet de loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires
- Projet de loi sur les additifs à base de manganèse
- Étude du rapport provisoire du comité permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles—Motion visant le renvoi du rapport au comité—Suite du débat
- Motion visant le renvoi du rapport au comtié
- Allocation de temps au débat—Avis de motion—Recours au règlement—Décision de la présidence
- Recours au règlement
- Les droits de la personne
- Les anciens combattants
LE SÉNAT
Le mardi 18 mars 1997
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
PROGRAMME D'ÉCHANGE DE PAGES AVEC LA CHAMBRE DES COMMUNES
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'aimerais vous présenter les pages de la Chambre des communes qui seront des nôtres toute la semaine, dans le cadre du programme d'échange.
[Français]
À ma droite, Cléo Chartier de St. Lazare, au Manitoba. Elle poursuit ses études à l'Université d'Ottawa. Elle est inscrite à la faculté d'administration. Sa spécialisation est en commerce.
[Traduction]
À ma gauche, Pascal Zamprelli, de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse, qui étudie le marketing à la faculté d'administration de l'Université d'Ottawa.
Cléo et Pascal, au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
LE SÉNAT
L'honorable Michel Cogger: Honorables sénateurs, j'invoque le Règlement.
Son Honneur le Président: Honorable sénateur Cogger, je ne peux accepter de rappel au Règlement à ce moment-ci de l'ordre des travaux. Par contre, vous pouvez faire une déclaration.
Le sénateur Cogger: Je ferai donc une déclaration et les honorables sénateurs peuvent l'interpréter comme un rappel au Règlement s'ils le désirent.
Honorables sénateurs, permettez-moi de mentionner en guise d'introduction que ce que je vais dire n'est pas une attaque personnelle contre le leader du gouvernement au Sénat, que j'aime beaucoup et pour qui j'ai le plus grand respect. Cependant, dernièrement, il est arrivé à maintes reprises que nous nous assemblions dans cette enceinte, que nous disions la prière à 14 heures pile et que nous soyons alors obligés d'attendre, comme un groupe d'écoliers, que la maîtresse arrive pour nous mettre au travail. Je trouve que ce n'est pas correct. Je trouve que c'est manquer de respect pour l'institution et pour les sénateurs. Malgré le respect que je dois à tous les honorables sénateurs, je pense que lorsque le Président est au fauteuil, qu'il a ouvert la séance et que nous avons dit la prière, les travaux devraient débuter.
[Français]
LA SEMAINE MONDIALE DE LA FRANCOPHONIE
L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, cette semaine est la semaine mondiale de la Francophonie. Jeudi sera la Journée mondiale de la Francophonie.
La Francophonie est plus que le pendant du Commonwealth, bien que comme concept d'un rassemblement des pays utilisant totalement ou partiellement le français, elle soit beaucoup plus jeune, historiquement elle reflète une ancienne réalité. L'idée d'un rassemblement des francophones du monde entier avait à l'origine été proposée par le président du Sénégal de l'époque, Léopold Sédor Senghor, en 1962. De l'idée, naquit l'Agence de coopération culturelle et technique, et, bien sûr l'Association des parlementaires de langue française, devenue depuis, à l'intérieur de la Francophonie un de ses éléments essentiels, l'Assemblée des parlementaires.
Les honorables sénateurs se souviendront que le premier sommet réunissant les chefs des pays francophones de par le monde eut lieu à Paris en 1986. On alterne depuis d'une région à l'autre du globe.
La Francophonie rassemble aujourd'hui plus de 160 millions de parlants dans 49 pays sur les cinq continents. Elle se définit elle-même comme «une communauté pluraliste dont le dénominateur commun est le partage de la langue française dans le respect des spécificités ethniques et culturelles de chaque partenaire». Au fil des ans, elle s'est engagée résolument dans la prévention des conflits et la coopération internationale. Elle a aussi un important rôle culturel qui s'appuie sur les éléments essentiels pour le maintien d'une francophonie vivante, par exemple,
l'Agence de coopération culturelle et technique que j'ai nommée il y a un instant et TV5. La date anniversaire de la fondation de l'Agence de coopération culturelle et technique, le 20 mars, fut choisie comme journée officielle de la Francophonie.La Francophonie s'est imposée au fil des ans comme une présence mondiale dans un esprit de partenariat et de modernité. Elle mobilise la communauté francophone autour des grands enjeux qui engagent l'avenir.
Le Canada contribuera 4 millions de dollars à la tenue du sommet de novembre 1997 à Hanoï, sommet qui visera à renforcer la présence de la Francophonie en Asie. Un seul sommet s'est déroulé en Amérique du Nord jusqu'ici et c'était à Québec en 1987.
Le Nouveau-Brunswick, à titre de gouvernement participant, proposera la candidature de Moncton comme lieu du sommet en 1999. Il ne fait aucun doute dans mon esprit, que la candidaturede l'Acadie sera retenue. À tous mes frères et soeurs dans la francophonie, je dis bonne fête.
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, moi aussi je voudrais souligner la semaine mondiale de la Francophonie, mais surtout souligner la francophonie acadienne: cette francophonie pour laquelle nous avons lutté avec tant d'ardeur et de conviction. Rester francophone en Acadie, c'est avoir eu le courage de réaliser ses rêves.
Le rêve acadien fut si fort, que cela nous a permis de mieux cerner les problèmes afin de survivre et surtout de nous épanouir comme Acadiens et Acadiennes. Victor Hugo disait:
Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent.
Aujourd'hui, la communauté acadienne joue un rôle déterminant et se taille une place majeure sur la scène canadienne et internationale. Puisque l'Acadie n'est pas une province avec des frontières géographiques déterminées, la francophonie qu'elle représente est perçue différemment aux yeux de chacun.
Qu'ils soient des Îles-de-la-Madeleine, de la Louisiane, de Grand-Pré, des différentes régions du Nouveau-Brunswick, en passant par Tracadie — où j'ai laissé mon cœur — tous ces Acadiens et Acadiennes ont le français à coeur.
C'est grâce à l'éducation et au rôle vital que cette éducation a joué en Acadie, que le peuple acadien a su réaliser ses rêves.
En éducation, je crois que le tournant significatif de la francophonie fut l'arrivée au pouvoir du premier ministre acadien francophone, l'honorable sénateur Louis Robichaud, qui disait:
L'éducation, c'est l'arme la plus redoutable d'un peuple.
Son programme de chances égales pour tous a assuré aux Acadiens et aux Acadiennes une éducation en français.
La femme acadienne a aussi joué un grand rôle, souvent effacé, en Acadie. Tout comme Pélagie, l'héroïne du roman Pélagie-la-Charrette, d'Antonine Maillet, Prix Goncourt, elle a eu le courage de concrétiser ses rêves, tout en comprenant qu'il faut instruire ses enfants, non pas pour elle-même mais pour le monde.
(1410)
Alors, la francophonie acadienne c'est quoi? En résumé, ce sont ses écoles françaises avec des conseils scolaires gérés par des francophones, c'est l'Université de Moncton avec sa facultéde droit, l'Université de Pointe-à-l'Église en Nouvelle-Écosse,c'est le Collège d'Acadie situé en Nouvelle-Écosse avec son programme de formation d'éducation à distance, ce sont ses radios communautaires, ses centres communautaires francophones, le Conseil économique du Nouveau-Brunswick, la Société des Acadiens et des Acadiennes du Nouveau-Brunswick, la Fédération des Acadiens de la Nouvelle-Écosse, la Fédération des francophones de Terre-Neuve et du Labrador, les Acadiens de Miscouche et de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est une francophonie qui a une vision économique, culturelle, technologique et linguistique.
[Traduction]
AFFAIRES COURANTES
L'AJOURNEMENT
L'honorable Richard J. Stanbury (leader adjoint suppléant du gouvernement): Honorables sénateurs, en l'absence du sénateur Graham, à titre de leader adjoint suppléant du gouvernement, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à demain, le 19 mars 1997, à 13 h 30.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
PROJET DE LOI SUR LES ADDITIFS À BASE DE MANGANÈSE
ALLOCATION DE TEMPS AU DÉBAT—AVIS DE MOTION
L'honorable Richard J. Stanbury (leader adjoint suppléant du gouvernement): Honorables sénateurs, les sénateurs des deux côtés ont discuté de la possibilité d'allouer un certain nombre d'heures au débat de troisième lecture du projet de loi C-29. Malheureusement, ils n'ont pas réussi à s'entendre à la satisfaction des deux côtés.
Par conséquent, en ma qualité de leader adjoint suppléant du gouvernement et au nom du sénateur Graham, je donne avis que, le mercredi 19 mars 1997, je proposerai:
Que, conformément à l'article 39 du Règlement, pas plus de six heures de délibérations ne soient attribuées à l'étude de la motion de l'honorable sénateur Kenny concernant la troisième lecture du projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse;
Que, lorsque les délibérations seront terminées ou que le temps prévu pour l'étude de ladite motion sera écoulé, le Président interrompe, au besoin, les délibérations en cours au Sénat et mette successivement aux voix toute question nécessaire pour disposer de ladite motion; et
Que tout vote par appel nominal sur lesdites questions soit pris conformément au paragraphe 39(4) du Règlement.
AFFAIRES JURIDIQUES ET CONSTITUTIONNELLES
AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT
L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a)du Règlement, je propose:
Que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger à 15 h 15 demain, le mercredi 19 mars 1997, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: Explications!
Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, en l'absence du sénateur Carstairs, qui est malade aujourd'hui, je peux vous dire que j'ai cru comprendre que c'était le seul moment où le ministre pouvait témoigner au comité. Les ministres ont beaucoup de difficulté à trouver du temps, et je propose donc que le Sénat autorise ce comité à siéger.
L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, madame le sénateur pourrait-elle expliquer pourquoi elle présente cette motion du comité des affaires juridiques alors que le vice-président du comité est présent?
(1420)
Le sénateur Milne: Je n'ai pas d'explication à cela.
Le sénateur Doody: Le comité n'a pas la permission.
[Français]
L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, en tant que vice-président de ce comité, je vais moi aussi poser certaines questions.
[Traduction]
Le ministre a-t-il proposé d'autres options au comité ou est-ce le seul moment où il peut comparaître?
Le sénateur Milne: Je crois que c'est la seule possibilité.
Le sénateur Nolin: Honorables sénateurs, je ne crois pas cela. Au cours de toute une semaine, se peut-il que le ministre soit disponible pendant deux heures seulement?
Le sénateur Robichaud: Vous n'avez jamais été ministre.
Le sénateur Nolin: J'ai travaillé pour des ministres et même des premiers ministres. J'ai du mal à accepter cette excuse.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?
Le sénateur Nolin: Non.
Le sénateur Lynch-Staunton: Non.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission n'est pas accordée.
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT
L'honorable John B. Stewart, président du comité sénatorial permanent des affaires étrangères, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)a) du Règlement, propose:
Que le comité sénatorial permanent des affaires étrangères soit autorisé à siéger à 16 heures aujourd'hui le mardi 18 mars 1997, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
L'honorable C. William Doody: Explications!
Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, le comité sénatorial permanent des affaires étrangères poursuit son étude des relations du Canada avec l'Asie-Pacifique. Nous nous heurtons en quelque sorte à certains délais. Nous ne savons pas si les élections auront lieu en juin, en octobre, ou encore l'an prochain. Quoi qu'il en soit, une conférence sur la coopération économique en Asie et dans le Pacifique doit se tenir au Canada en automne.
Je crois que tous les membres du comité conviendront avec moi que nous espérons que les travaux du comité seront constructifs et aideront le Canada à promouvoir le commerce entre le Canada et la région Asie-Pacifique. Nous aimerions que la réunion ait lieu à 16 heures aujourd'hui. Nous avons dû l'annuler la semaine dernière en raison des travaux à la Chambre.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?
Des voix: D'accord.
(La motion est adoptée.)
PÉRIODE DES QUESTIONS
LES TRANSPORTS
L'AVENIR DES VOLS INTERNATIONAUX À MIRABEL—LA RUMEUR CONCERNANT LA CONSTITUTION D'UN COMITÉ SPÉCIAL DU CAUCUS LIBÉRAL— LA POSITION DU GOUVERNEMENT
L'honorable Michel Cogger: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question à madame le leader du gouvernement au Sénat. Peut-être peut-elle nous éclairer sur une question qui semble assez confuse. C'est une question très importante pour les Montréalais ainsi que pour la vitalité économique de la ville de Montréal, et qui a trait au transfert éventuel des vols internationaux depuis Mirabel.
[Français]
Selon un article qui est paru dans Le Devoir de samedi dernier, un comité ad hoc du caucus libéral se propose de faire des recommandations au ministre des Transports sur cette question qui est quand même cruciale, qui met en cause des intérêts économiques importants et des emplois pour une ville qui en a bien besoin. Il y a beaucoup de confusion; d'abord, quel est le statut de ce comité ad hoc qui, suivant Le Devoir, est constitué du sénateur Rizzuto, du sénateur Hervieux-Payette, du sénateur Bacon, des députés Michel Dupuy et Bernard Patry? C'est d'autant plus inquiétant, si vous voulez, qu'à ma connaissance, au moins deux des membres soi-disant de ce comité dont les noms sont cités ici, ont nié faire partie de ce comité. Un d'entre eux, lorsqu'on lui a posé la question a répondu: «Quel comité? Je ne suis pas membre d'un comité, je ne sais pas de quoi vous voulez parler.»
Il m'apparaît que c'est une drôle de façon ou c'est laisser planer beaucoup de confusion sur une question qui est si vitale et qu'on ne peut pas traiter à la légère. Pensons simplement à un usager important comme Air Canada, qui doit connaître l'existence du comité s'il en est un; deuxièmement, qui a le droit de savoir le mandat du comité, et, troisièmement, la constitution de ses membres. Sinon, comment peut-il espérer faire des représentations à ses membres. Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous éclairer, s'il vous plaît?
[Traduction]
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, avant de répondre à cette question, je voudrais m'excuser d'être en retard aujourd'hui, et d'entrer un peu en courant à la Chambre depuis quelque temps. Je reconnais que, comme le disait mon collègue, ce n'est pas courtois envers le Sénat. Je vais donc essayer de réarranger mes affaires pour être ici la première plutôt que la dernière. Je remercie le sénateur d'avoir attiré mon attention sur ce fait.
En ce qui concerne la question, les sénateurs savent que les ministres demandent souvent de l'aide et des conseils à d'autres membres du caucus. En ce qui concerne la création d'un comité spécial, je n'en ai pas connaissance. Je vais essayer d'obtenir de plus amples renseignements pour le sénateur. Je vais aussi me renseigner auprès de mes collègues de ce côté de la Chambre pour savoir si un comité spécial a été constitué.
LE CONSEIL DU TRÉSOR
LA FONCTION PUBLIQUE—L'ÉGALITÉ D'ACCÈS DES MINORITÉS VISIBLES—LA POSITION DU GOUVERNEMENT
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse à madame le leader du gouvernement au Sénat. Elle se souviendra que, il y a quelques mois, j'avais parlé d'un document qui faisait état de la situation des minorités visibles dans la fonction publique. Le leader sait certainement que ce rapport contenait des statistiques déplorables montrant unracisme systémique dans la bureaucratie de l'État.
Dans l'édition du 16 mars du Ottawa Citizen, Kathryn May écrivait un article intitulé «New talent pools created to groom future managers.» Selon l'article, des fonctionnaires seront formés dans 75 endroits en vue d'accéder à des postes de sous-ministre et de sous-ministre adjoint et 78 p. 100 des 3 000 candidats avaient plus de 45 ans. Il n'y a jamais eu de meilleure occasion pour le gouvernement fédéral de faire en sorte que les minorités visibles soient représentées dans les plus hauts échelons de la fonction publique.
Est-ce que madame le leader du gouvernement pourrait nous donner l'engagement qu'elle parlera au président du Conseil du Trésor et à d'autres membres du Cabinet pour les prier de faire en sorte que l'on donne une chance équitable aux minorités visibles afin que, pour la première fois, elles aient la réelle possibilité d'accéder aux plus hauts échelons, ceux de sous-ministres et de sous-ministres adjoints?
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je vais certainement communiquer les observations de mon collègue au président du Conseil du Trésor. J'irai même plus loin, je soulèverai la question auprès de certains de mes contacts au Bureau du Conseil privé.
L'AGRICULTURE
LA RECHERCHE EFFECTUÉE PAR LE MINISTÈRE SURLATENEURENNICOTINEDUTABAC— LA POSITION DU GOUVERNEMENT
L'honorable Stanley Haidasz: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question à madame le leader du gouvernement au Sénat. Elle est sans aucun doute au courant des articles parus ce matin dans la presse au sujet d'un reportage qui est passé sur les ondes du réseau de télévision CTV, dimanche soir dernier, et dans lequel on disait que le ministère fédéral de l'Agriculture utilisait les deniers publics pour aider l'industrie du tabac à observer les taux de nicotine dans le tabac cultivé à l'Île-du-Prince-Édouard et en Ontario ou à obtenir des taux plusélevés. Étant donné que cela va à l'encontre de la stratégie de lutte contre le tabagisme du ministre de la Santé, madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle expliquer ces politiques disparates de deux ministères face à la nicotine dans le tabac?
(1430)
La nicotine crée de la dépendance. Elle serait responsable de 40 000 morts au Canada chaque année et de milliers de maladies chroniques reliées à l'usage du tabac. Selon les économistes sanitaires, le tabac cause, chaque année, une perte économique directe pour le Canada d'environ 10 milliards de dollars et une perte indirecte de près de 27 milliards de dollars.
L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai essayé d'obtenir tous les détails à ce sujet aujourd'hui. Mon collègue, le ministre de l'Agriculture, est en Asie. Je n'ai pas eu l'occasion de lui parler directement.
Le ministère de l'Agriculture me dit qu'il n'est tout simplement pas vrai que le ministère essaie de mettre au point un tabac à forte teneur en nicotine. En fait, le peu de recherches effectuées par le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire sur le tabac portent sur l'amélioration génétique pour accroître la résistance aux maladies, sur une utilisation réduite des pesticides, sur la façon de garantir une meilleure gestion des sols et ce type de choses. De plus, le ministère de l'Agriculture a pour objectif d'amener les producteurs de tabac à cultiver plutôt d'autres produits comme le ginseng.
J'essaierai d'obtenir davantage de renseignements pour mon honorable collègue, mais les fonctionnaires du ministère de M. Goodale m'ont assuré qu'ils n'effectuent pas de recherches pour mettre au point des variétés de tabac à forte teneur en nicotine.
Le sénateur Haidasz: Honorables sénateurs, j'espère que madame le leader du gouvernement au Sénat réussira à obtenir pour nous ces renseignements, car hier, à l'autre endroit, un député de l'Alberta qui est également médecin, avait entre les mains le rapport complet du ministère de l'Agriculture sur la recherche effectuée sur le tabac. J'ai en main une partie seulement du rapport de ce ministère. Il semble y avoir beaucoup de confusion sur la façon d'interpréter ce rapport du ministère de l'Agriculture. Certains passages, ceux que j'ai en main, disent qu'on a effectué ces recherches tendant à observer les taux denicotine dans le tabac cultivé à l'Île-du-Prince-Édouard et en Ontario ou à obtenir des taux plus élevés.
Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je vais certainement donner suite aux questions de mon honorable collègue. J'ignore au juste à quand remontent les renseignements qui ont été rendus publics. Je sais par contre qu'on a réduit de 90 p. 100 les crédits que le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire consacrait à la recherche sur le tabac et qu'on a mis un terme à cette recherche dans plusieurs établissements. On me dit aussi que le niveau de nicotine dans le tabac a beaucoup baissé dans les années 90 par rapport aux années 80. Cependant, je veux obtenir de plus amples renseignements pour mon honorable collègue.
En réponse à la question, je dirais simplement aujourd'hui que, selon mes sources, le ministère ne se livre pas, à l'heure actuelle, à ce type de recherches.
RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES
L'honorable Richard J. Stanbury (leader adjoint suppléant du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai quatre réponses différées à des questions: une réponse à une question sur les échappements de gaz à effet de serre, que l'honorable sénateur Mira Spivak a posée au Sénat le 22 novembre 1995; une réponse à une question que l'honorable sénateur Lynch-Staunton a posée au Sénat le 11 février 1997, sur les affaires intergouvernementales et l'assujettissement aux garanties linguistiques historiques des modifications de l'article 93 de la Constitution demandées par le Québec; une réponse à une question sur la sécurité du système d'approvisionnement en sang, que l'honorable sénateur Richard J. Doyle a posée au Sénat le 13 février 1997; et une réponse à une question sur le BCP et le transfert du personnel des cabinets des ministres, que l'honorable sénateur Roberge a posée au Sénat le 12 mars 1997.
L'ENVIRONNEMENT
LA RÉDUCTION DES ÉCHAPPEMENTS DE GAZ À EFFET DE SERRE—L'ÉTABLISSEMENT DE NORMES NATIONALES— LA POSITION DU GOUVERNEMENT
(Réponse à la question posée par l'honorable Mira Spivak le 22 novembre 1995.)
Le Canada, en tant que partie signataire de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, s'est engagé à viser une réduction, d'ici l'an 2000, des émissions des gaz à effet de serre aux niveaux de 1990. Les provinces et les territoires ont contracté cet engagement à l'échelle nationale. Le Québec et la Colombie-Britannique ont également repris cet engagement à l'échelon provincial. Pour que nous puissions réduire les émissions des gaz à effet de serre, il faudra que tous les gouvernements et tous les secteurs de la société canadienne prennent certaines mesures. Le gouvernement fédéral ne peut unilatéralement atténuer les changements climatiques. La coopération des gouvernements provinciaux est essentielle pour pouvoir réduire d'une façon appréciable ces émissions, étant donné que les provinces détiennent des pouvoirs constitutionnels considérables dans les domaines du transport, de la production et de l'utilisation de l'énergie.
Lors de la réunion qui s'est tenue le 20 novembre 1995 à Edmonton, les ministres fédéraux et provinciaux de l'énergie et de l'environnement ont déposé les plans de chaque ordre de gouvernement, en vue d'aider le Canada à atteindre cet objectif. Les engagements pris volontairement par le secteur privé constituent l'une des composantes importantes de ces plans. On a reconnu que, même si ces mesures volontaires joueront un rôle important, elles ne seront pas toutefois suffisantes pour permettre au Canada d'atteindre son but. Le gouvernement du Canada continue de croire qu'il lui faudra prendre tout un éventail de mesures pour respecter ses engagements.
L'examen du Programme national d'action du Canada est terminé et ses résultats ont été présentés à la réunion conjointe des ministres de l'énergie et de l'environnement qui a eu lieu à Toronto, le 12 décembre 1996. Des progrès ont certes été marqués mais, s'il ne prend pas des mesures supplémentaires, le Canada ne pourra respecter l'engagement pris de stabiliser les émissions. À la réunion conjointe, les ministres ont étudié la situation actuelle et les prochaines étapes. Aux mesures annoncées par les compétences provinciales et territoriales s'ajoutent les initiatives fédérales rendues publiques par Environnement Canada et Ressources naturelles Canada, lesquelles complètent et renforcent les activités réalisées dans le cadre du Programme national d'action.
À la première conférence des parties signataires de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, tenue en 1995, les participants ont reconnu que les engagements actuels ne conviennent plus pour la réalisation de l'objectif ultime de la Convention, lequel objectif vise à prévenir une dangereuse ingérence anthropogénique dans le système climatique planétaire. Le calendrier de travail national et international sur les changements climatiques repose sur la remontée d'un consensus scientifique indiquant que les changements climatiques constituent un problème réel et qu'il importe d'adopter le plus rapidement possible des mesures de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
À la deuxième conférence des parties signataires, qui se tenait à Genève en juillet 1996, les participants ont accepté la plus récente évaluation scientifique par le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, selon laquelle le bilan des preuves laisse croire que l'être humain exerce une influence perceptible sur le climat planétaire. De plus, la déclaration ministérielle prononcée à la deuxième conférence, et à laquelle souscrit le Canada, exhorte les parties à charger leurs représentants d'accélérer les négociations afin qu'un protocole ayant force obligatoire, ou un autre instrument juridique, soit prêt pour adoption à la troisième conférence des parties signataires, prévue pour décembre 1997.
La question des changements climatiques pose un défi à tous et chacun. Si le gouvernement ne réduit pas les émissions des gaz à effet de serre, le Canada risque fort de perdre une partie de sa compétitivité et certaines des possibilités commerciales vitales dans le domaine de la technologie des ressources renouvelables et de l'efficacité énergétique. La menace que pose le changement climatique est réelle, et des mesures seront prises pour contrer cette menace de manière à favoriser également la compétitivité du Canada à l'étranger et le plein-emploi au pays.
LES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES
L'ASSUJETTISSEMENT AUX GARANTIES LINGUISTIQUES HISTORIQUES DES MODIFICATIONS DE L'ARTICLE 93 DE LA CONSTITUTION DEMANDÉES PAR LE QUÉBEC—LA POSITION DU GOUVERNEMENT
(Réponse à la question posée par l'honorable John Lynch-Staunton le 11 février 1997.)
En ce qui concerne l'inscription de la disposition relative aux langues officielles dans les accords fédéraux-provinciaux de développement du marché du travail, la Loi sur l'assurance-emploi prévoit la possibilité de recevoir de l'aide dans le cadre de prestations d'emploi et de mesures de soutien dans l'une ou l'autre des langues officielles là où l'importance de la demande le justifie.
Autrement dit, le gouvernement fédéral:
négociera avec chaque province/territoire un engagement qui respecte cette ligne directrice;
- tout au moins, assurera que les services sont offerts dans les deux langues officielles là où l'importance de la demande le justifie.
La position du gouvernement fédéral à ce sujet est très claire: la ligne directrice sur les langues officielles sera suivie à la lettre.
Les ententes conclues récemment avec l'Alberta et le Nouveau-Brunswick respectent entièrement les exigences de la Loi sur l'assurance-emploi, tout en tenant compte de la situation particulière de chaque province.
Le gouvernement est convaincu qu'il en sera de même de tous les accords fédéraux-provinciaux de développement du marché de travail.
Pour ce qui est de la question posée par l'honorable sénateur Lynch-Staunton quant au fait que le gouvernement du Québec veut remplacer les écoles confessionnelles par des écoles linguistiques et quant à d'éventuelles modifications de la Constitution, le gouvernement fédéral n'a encore reçu aucune demande officielle à cet effet de la part du gouvernement du Québec. Il ne sert à rien, à ce moment-là, de faire des commentaires à propos d'une requête qui n'existe pas.
Notre gouvernement est sensible aux besoins des minorités linguistiques, et demeure engagé à garantir que ces besoins sont pris en considération dans l'exécution des programmes et dans la prestation des services fédéraux ainsi que dans la réalisation de changements.
LA SANTÉ
LA SÉCURITÉ DU SYSTÈME D'APPROVISIONNEMENT EN SANG—L'ÉTABLISSEMENT PROPOSÉ D'UN SYSTÈME NATIONAL D'APPROVISIONNEMENT EN SANG SELON LES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION KREVER—LA POSITION DU GOUVERNEMENT
(Réponse à la question posée par l'honorable Richard J. Doyle le 13 février 1997.)
L'initiative prise par tous les ministres de la Santé du Canada de renouveler le système du sang et de créer une nouvelle régie nationale qui satisfera aux quatre principes adoptés, c.-à-d. sécurité, responsabilité, transparence et pleine intégration, n'a jamais eu pour objet d'évincer le juge Krever ou de lui couper l'herbe sous le pied, pas plus que de couper court aux travaux de la Commission qu'il dirige. Cette initiative vise plutôt à préparer la voie aux gouvernements, afin qu'ils puissent rapidement donner une réponse appropriée aux recommandations finales de la Commission Krever.
Voilà pourquoi, le 10 février 1997, les ministres fédéral et provinciaux et territoriaux de la Santé ont annoncé qu'avant de prendre des décisions définitives concernant la structure du nouveau système du sang du Canada, ils aimeraient avoir la possibilité d'étudier les recommandations qui figureront dans le rapport final du juge Krever.
Les ministres ont souligné que d'ici là, les responsables fédéraux, provinciaux et territoriaux continueront de planifier la structure du nouveau système du sang, de manière à être en mesure de prendre rapidement des décisions, une fois qu'ils auront eu l'occasion d'examiner les recommandations en question.
En février 1995, la Commission Krever a présenté un rapport provisoire très complet sur la sécurité du système du sang, dans lequel elle expliquait aux Canadiens que le système actuel du sang au Canada n'est pas moins sur que ceux des autres pays industrialisés.
Il s'agit là d'un message très important. Les Canadiens doivent être rassurés sur le fait que le sang, les constituants du sang et les produits sanguins au Canada sont d'excellente qualité et sont aussi sûrs que ceux que l'on trouve dans n'importe quel pays industrialisé.
En juin 1995, le gouvernement a déposé une réponse au rapport provisoire du juge Krever, réponse expliquant les mesures qu'il prend pour donner suite aux recommandations qui le concernent et soulignant les nombreuses initiatives qui renforcent ce qu'il fait pour réglementer les approvisionnements en sang de manière à ce qu'ils soient sûrs et pour contrôler les maladies du sang ainsi que les risques que peut poser pour la santé l'utilisation de produits sanguins.
LE BUREAU DU CONSEIL PRIVÉ
LE TRANSFERT DE PERSONNEL DES CABINETS DES MINISTRES—LA POSITION DU GOUVERNEMENT
(Réponse à la question posée par l'honorable Fernand Roberge le 12 mars 1997.)
En 1996-1997, la Section des documents parlementaires était comprise dans l'activité Cabinets de ministres du BCP. Dans le Budget des dépenses de 1997-1998, elle fait partie de l'activité Bureau du Conseil privé, ce qui correspond davantage aux liens hiérarchiques. Les employés de cette section exercent une fonction permanente et ont toujours appartenu à la fonction publique.
1994-1995 a été la première année d'activité complète de l'actuel CPM. Au début de l'exercice, les postes n'étaient pas tous dotés, d'où l'utilisation plus faible que prévue des ressources humaines.
PROJET DE LOI SUR LES ADDITIFS À BASE DE MANGANÈSE
ALLOCATION DE TEMPS AU DÉBAT—AVIS DE MOTION—RECOURS AU RÈGLEMENT
L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, avant de passer à l'ordre du jour, je tiens à invoquer le Règlement. Je me demande comment pouvons-nous accepter un avis de motion du gouvernement de la part d'un sénateur qui s'est identifié comme agissant au nom du leader adjoint du gouvernement. Il n'y a rien dans notre Règlement qui autorise la mention d'un tel titre ou poste dans l'application de nos règles. La présentation d'une motion d'attribution de temps ne relève aucunement des affaires courantes. Voilà pourquoi je ne vois pas comment le sénateur Stanbury peut être habilité à proposer une telle motion. J'invoque le Règlement pour signaler qu'il n'était pas habilité et que, par conséquent, son avis de motion devrait être déclaré irrecevable.
Le sénateur Corbin: En somme, il n'a pas le droit de siéger à cette banquette?
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est pas ce que j'ai dit.
L'honorable Richard J. Stanbury (leader adjoint suppléant du gouvernement): Honorables sénateurs, croyez bien que je n'ai pas présenté cet avis de motion sans avoir vérifié au préalable sa légalité. Si vous voulez demander au Président de bien vouloir rendre une décision, je suis persuadé qu'il le fera avec plaisir. En tout cas, selon les sources que j'ai consultées, c'est ainsi qu'il fallait faire.
L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, s'il doit y avoir contestation, elle ne devrait pas porter sur la proposition présentée par le leader adjoint suppléant du gouvernement. Elle devrait plutôt porter sur le fait qu'il siège à cette banquette. Le fait qu'il siège à cette banquette lui confère tous les pouvoirs, y compris le pouvoir de donner avis comme il vient de le faire. Tel est le point que la présidence devrait prendre en considération, si besoin est.
L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, le paragraphe 39(1) dit en toutes lettres:
[...] le leader adjoint du gouvernement au Sénat peut, de sa place au Sénat, déclarer que [...]
J'attire simplement l'attention de Votre Honneur sur le paragraphe 39(1).
L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, si le problème réside dans le fait que l'avis a été donné par le sénateur Stanbury, peut-être qu'il disparaîtrait si l'avis était donné par le leader du gouvernement au Sénat? Je ferai remarquer que le paragraphe visé commence ainsi:
Lorsque le Sénat siège, le leader du gouvernement au Sénat ou le leader adjoint du gouvernement au Sénat [...]
Si cela pose problème, de toute évidence on pourrait y remédier rapidement.
Le sénateur Lynch-Staunton: La question n'est pas de savoir qui est habilité. La question est de savoir qui n'est pas habilité. Il n'est nulle part mentionné dans notre Règlement le titre ou le poste de «leader adjoint suppléant du gouvernement». C'est pourquoi nous maintenons que le sénateur Stanbury n'était pas habilité à présenter cette motion. Si le leader du gouvernement veut proposer la motion, pas de problème, mais respectons les règles.
(1440)
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je ne vois pas de différence entre leader adjoint suppléant et leader adjoint. La personne qui occupe ce fauteuil assume tous les pouvoirs qui correspondent à ses attributions et reçoit tout l'appui de ce côté-ci. Le fait qu'elle choisisse de s'appeler «leader adjoint suppléant» est une question de forme et une subtilité, et non une question de fond. Il revient aux sénateurs de ce côté-ci de choisir le titulaire du poste de leader ou de leader adjoint du gouvernement. Nous ne choisissons pas le titulaire du poste correspondant de l'autre côté et nous ne contestons pas cette nomination à l'occasion.
Le sénateur Lynch-Staunton: Cet argument soulève une question intéressante: à qui devons-nous nous adresser? Peut-être au sénateur Stanbury aujourd'hui, mais à qui demain?
Le sénateur Grafstein: À celui qui occupera ce fauteuil.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il sera intéressant de voir qui ce sera. Chaque fois que nous y verrons quelqu'un, cette personne sera le leader adjoint suppléant, n'est-ce pas?
Le sénateur Grafstein: Il occupera ce fauteuil et aura les pouvoirs en conséquence.
Le sénateur Lynch-Staunton: Si je suis votre logique, comme personne n'occupe le fauteuil du sénateur Hébert, par conséquent, il n'y a pas de whip.
Le sénateur Grafstein: Il y a manifestement une différence importante entre la première rangée et les autres.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous tenez un raisonnement spécieux.
Le sénateur Grafstein: Ce n'est pas vrai. Comme un regretté juge de la Cour suprême du Canada l'a dit: «Messieurs les juges, il peut exister une distinction sans qu'il existe forcément une différence.»
Son Honneur le Président: Y a-t-il d'autres sénateurs qui désirent prendre la parole sur le rappel au Règlement? Sinon, je prends la question en délibéré et j'en faire rapport plus tard aujourd'hui, si possible.
Nous avons eu des cas analogues par le passé. En fait, j'occupais le même poste de leader adjoint et j'ai été remplacé pendant un mois par le même sénateur Stanbury. Nous verrons ce qui s'est passé à ce moment-là. J'espère avoir une réponse plus tard aujourd'hui.
ORDRE DU JOUR
LE CODE CRIMINEL
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Milne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-13, Loi modifiant le Code criminel (protection des soignants).—(L'honorable sénateur DeWare).
L'honorable Mabel M. DeWare: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour exprimer mes inquiétudes à l'égard du projet de loi S-13, Loi modifiant le Code criminel (protection des soignants).
Même si je comprends et partage l'objet de ce projet de loi, je considère qu'il ne tient pas compte de tout le contexte. D'ailleurs, l'objet n'est plus très clair depuis que les médias parlent du «projet de loi sur l'euthanasie». C'est inacceptable et cela prouve qu'il faut mieux renseigner la population en général sur les pratiques prévoyant l'abstention ou l'interruption d'un traitement, ou l'administration d'un traitement qui vise à soulager la souffrance au risque d'abréger la vie, ainsi que la différence entre ces deux pratiques et celles de l'aide au suicide et de l'euthanasie.
Quand le comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide a entrepris ses audiences, nous avons rapidement constaté qu'il y avait bien d'autres sujets à explorer avant d'approuver une modification législative concernant l'euthanasie ou l'aide au suicide. Ces questions, honorables sénateurs, supposent la nécessité d'administrer des soins palliatifs complets et accessibles, et de clarifier le Code criminel pour distinguer entre, d'une part, l'abstention et l'interruption concernant l'administration d'un traitement et, d'autre part, l'administration, dans l'intention de soulager la souffrance, de médicaments en doses susceptibles d'abréger la vie, ainsi que l'acceptation d'instructions préalables.
Au bout d'un examen de presque un an et demi, nous avons constaté qu'il y avait de nombreuses questions tellement complexes que nous ne pourrions les examiner. Après d'intenses délibérations, nous avons unanimement formulé des recommandations sur l'abstention et l'interruption d'un traitement et sur l'administration d'un traitement visant à soulager la souffrance au risque d'abréger la vie. De nombreux témoignages nous ont permis de préciser que, même si les deux pratiques étaient adoptées partout au Canada, il y avait toujours de la réticence à leur égard de la part de certains professionnels de la santé qui craignent d'être tenus responsables. Nous avons donc recommandé de clarifier les deux pratiques dans le Code criminel. Nous avons décrit les mesures que l'on devrait, à notre avis, mettre en application en même temps. On n'a cependant pas tenu compte de ces autres recommandations jusqu'à présent.
L'une des recommandations les plus importantes dont on n'a pas tenu compte visait à exiger que la division de Santé Canada chargée de la protection et de la promotion de la santé en coopération avec les autorités provinciales et territoriales ainsi qu'avec les associations nationales des professionnels de la santé élabore des lignes directrices et des normes.
Une autre recommandation faite à propos des traitements pour soulager la douleur qui pourraient avoir pour effet d'abréger la vie consistait à effectuer plus de recherches en éducation et en formation sur le soulagement de la douleur. Cette position a été renforcée, honorables sénateurs, par le témoignage de certains des professionnels de la santé qui nous ont dit que lorsqu'ils donnaient des doses trop fortes de calmants à leurs patients, cela avait souvent pour effet d'en abréger les jours. Nous croyions que si cela avait pour effet d'abréger la vie du patient qui n'en avait plus pour très longtemps à vivre, il était plus important de soulager la douleur. Nous avons jugé qu'il était nécessaire de faire plus de recherches dans le domaine du soulagement et du contrôle de la douleur.
Pour ce qui est de s'abstenir d'administrer un traitement ou de l'interrompre, nous avons recommandé que le ministère fédéral de la Santé, en coopération avec les autorités provinciales et territoriales, parraine une campagne nationale visant à informer les gens de leurs droits quant au refus d'un traitement de survie. Je comprends qu'il était impossible d'incorporer ces autres recommandations dans le texte du projet de loi S-13 puisqu'il s'agissait de modifications à apporter au Code criminel et qu'il n'y a pas de place dans ce texte pour des lignes directrices ou des programmes éducatifs. Cependant, on n'aurait peut-être pas dû présenter ce projet de loi tout seul, mais l'accompagner d'un autre projet de loi visant à faire en sorte que le ministère de la Santé mette les autres recommandations en application en même temps qu'on apportait des éclaircissements dans le Code criminel.
Le comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide a pris bien soin dans ses délibérations de veiller à ce qu'on mette en place des mesures importantes pour éviter les abus si l'on apportait des modifications au Code criminel. Nous avons donc jugé nécessaire de mentionner dans notre rapport que l'on ne puisse pas s'abstenir d'administrer ou interrompre un traitement de survie ni administrer des calmants sans le consentement exprès d'une personne capable ou de la personne la mieux qualifiée pour parler en son nom. En ce qui concerne toutefois l'administration d'un traitement visant à soulager la souffrance qui risque de causer l'abrègement de la vie, le projet de loi ne prévoit pas l'obligation pour les soignants d'obtenir le consentement libre et informé du patient, de vérifier son testament biologique ou d'obtenir le consentement d'un fondé de pouvoir. Il s'agit d'un aspect dangereux qu'il faudra examiner attentivement lorsque le projet de loi sera renvoyé au comité.
Honorables sénateurs, j'ai été très heureuse de siéger à ce comité. La mesure législative s'inspire essentiellement de l'affaire Sue Rodriguez, cette femme qui a dû se rendre jusqu'à la Cour suprême pour déterminer si elle avait droit à l'aide au suicide. Nous estimons que la question n'a pas encore été réglée. Le comité a eu l'impression que les gens réclament l'aide au suicide, faute de soins palliatifs suffisants. Il n'y a pas assez de réseaux de soutien, d'équipes au sein de nos collectivités — et au pays — pour venir en aide à ceux qui souffrent. Si ces services étaient offerts, les patients réclameraient-ils l'aide au suicide?
Voilà comment nous abordons la question dans notre rapport. Nous n'avons pu en arriver à un consensus ni nous entendre sur l'aide au suicide et l'euthanasie, parce que ces questions sont demeurées sans réponses. Si ce projet de loi peut fournir des réponses à certaines de ces questions, je serais ravie de l'appuyer, honorables sénateurs, mais il nous faudra pour cela des amendements et des lignes directrices.
J'appuie donc l'objet de ce projet de loi. Je répète toutefois que nous avons besoin de mesures législatives complémentaires précisant les lignes directrices à suivre. De plus, le comité doit examiner à fond le projet de loi afin de veiller à la protection tant des soignants que des patients.
(1450)
Le sénateur Bosa: Honorables sénateurs, je propose que ce projet de loi soit renvoyé au...
[Français]
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, ce projet de loi fait suite au rapport du comité spécial du Sénat sur l'euthanasie et l'aide au suicide, rendu public le 6 juin 1995. Il porte sur deux aspects de ce rapport qui ont reçu l'appui unanime des membres du comité soit premièrement, l'abstention de traitement de survie et deuxièmement, l'interruption de traitement de survie.
Ce comité, on se rappelle, était composé des sénateurs suivants: Joan Neiman, Thérèse Lavoie-Roux, Gérald-A. Beaudoin, Sharon Carstairs, Eymard Corbin, Mabel DeWare et Wilbert Keon. Le sénateur Jean-Noël Desmarais, bien que non membre du comité, a participé très souvent à nos délibérations. Nous étions partagés sur la question de l'euthanasie et de l'aide au suicide. Par contre, sur le reste, les deux autres aspects, nous étions du même avis.
Le projet de loi S-13 ne vise pas à modifier les dispositions du Code criminel relatives à l'euthanasie et à l'aide au suicide. Ces dispositions demeurent intactes dans le Code criminel. Ce projet de loi veut plutôt ajouter un article au Code criminel.
Les patients ont besoin d'une protection juridique. Les médecins et les infirmières doivent savoir ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils ne peuvent pas faire. Tel est le but du projet de loi.
J'entends dans les prochaines minutes faire porter mes remarques sur la question juridique et constitutionnelle.
La jurisprudence a déjà tracé la voie dans l'affaire Nancy B. C'est au tour du législateur de faire maintenant son travail. Je ne suis pas partisan de la politique de laisser cette question aux tribunaux seulement. Une jurisprudence constante a reconnu au Parlement canadien le pouvoir de légiférer pour protéger la vie et la santé des Canadiens, en se repliant sur sa compétence exclusive en droit criminel.
On doit avoir le plus grand respect pour ceux qui veulent vivre et survivre grâce aux instruments. La loi doit les protéger. Par contre, on doit respecter aussi ceux qui veulent refuser en toute connaissance de cause un traitement ou qui veulent qu'on débranche un appareil. Je ne suis pas un partisan de l'acharnement thérapeutique. Le patient doit avoir le droit de refuser un traitement. Je suis favorable au débranchement d'appareil si le patient le demande clairement.
Ma collègue, le sénateur Thérèse Lavoie-Roux, a insisté avec raison sur les paramètres, les conditions et le consentement qui doivent exister ici. Si la personne ne peut pas donner son consentement, la famille devrait pouvoir le donner en prenant en considération le meilleur intérêt du patient. On doit légaliser le principe reconnu dans l'arrêt Nancy B. Certaines législatures provinciales ont déjà légiféré sur les testaments de vie, sur les mandats, les procurations. Il faut encourager les autres provinces à le faire.
Il ne faut pas oublier que la santé est un domaine qui relève prioritairement de la compétence des provinces. La Cour suprême l'a dit clairement en 1938 dans le Renvoi sur l'adoption. À propos de la question particulière du consentement du patient quant à la voie à suivre — interruption ou continuation du traitement — le Code civil du Québec énonce à l'article 10:
Toute personne est inviolable et a droit à son intégrité
Sauf dans les cas prévus par la loi, nul ne peut lui porter atteinte sans son consentement libre et éclairé.
On lit à l'article 11:
Nul ne peut être soumis sans son consentement à des soins, quel qu'en soit la nature, qu'il s'agisse d'examens, de prélèvements, de traitements ou de toute autre intervention.
Si l'intéressé est inapte à donner ou à refuser son consentement à des soins, une personne autorisée par la loi ou par un mandat donné en prévision de son inaptitude peut le remplacer.
Compte tenu de ces dispositions, il est par conséquent important de souligner le rôle et les pouvoirs des législatures provinciales dans ces domaines. On connaît aussi la compétence fédérale en matière criminelle. La collaboration fédérale-provinciale m'apparaît, ici, non seulement inévitable, mais nécessaire.
Afin de protéger le patient, il importe au plus haut point de s'assurer que la demande du patient et le consentement du patient sont adéquatement formulés et que les pouvoirs et devoirs des professionnels de la santé soient bien identifiés.
Le projet de loi du sénateur Sharon Carstairs amende le Code criminel en ajoutant un article nouveau, 45.1 après l'article 45.
Le projet de loi S-13 ne définit pas le refus de traitement et le débranchement d'appareil. Pour éviter toute équivoque, je propose que le projet de loi, lorsqu'il sera référé au comité, soit amendé pour y inclure les définitions suivantes qui apparaissent en français et en anglais dans le rapport du comité spécial sur l'euthanasie. Il y a cinq définitions: abstention de traitement de survie: le fait de ne pas amorcer un traitement susceptible de maintenir le patient en vie; interruption de traitement de survie: le fait de cesser un traitement susceptible de maintenir le patient en vie; le traitement destiné à soulager la souffrance au risque d'abréger la vie: le fait d'administrer des médicaments en quantité suffisante pour contrôler la souffrance, même au risque de hâter la mort; enfin, l'aide au suicide: le fait d'aider quelqu'un à se donner volontairement la mort en lui fournissant les renseignements et les moyens nécessaires ou les deux; euthanasie: acte qui consiste à provoquer intentionnellement la mort d'autrui pour mettre fin à ses souffrances.
À mon avis, ces cinq définitions situeront plus adéquatement le projet de loi dans son décor juridique.
Je recommande que l'on prévoie dans le projet de loi, qu'il porte uniquement sur l'abstention de traitement de survie et sur l'interruption de traitement de survie et qu'il n'autorise pas l'euthanasie et l'assistance au suicide.
Voilà ma contribution, honorables sénateurs. Je crois que le Sénat a eu raison de créer un comité spécial sur les questions que nous venons d'analyser sur le plan juridique et constitutionnel. Ce rapport, à mon avis, fait avancer les choses.
(1500)
L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je ne dirai pas tout ce que j'ai à dire, aujourd'hui, sur cette question. Je voudrais néanmoins, vous donner un aperçu de ce que sera ma position sur la proposition législative du sénateur Carstairs. En commentaires préliminaires, je vous dirai que dès que l'on parle d'euthanasie, cela énerve beaucoup de monde dans le pays. Les gens s'énervent parce qu'ils ne savent pas de quoi l'on parle. Ils n'ont pas fait l'effort de comprendre les termes, les situations des mourants, les catégories de mourants, la situation professionnelle du corps médical et paramédical. Ils traitent de la question avec beaucoup de passion, comme cela a été le cas lors des débats sur l'avortement. Ces mêmes personnes s'appuient sur des demi-vérités, souvent sur des préjugés, et trop souvent hélas, sur de l'ignorance pure et simple.
Le Sénat avait autorisé l'étude de l'euthanasie et de l'aide au suicide. Un comité s'est penché sur la question pendant 18 mois et en a fait rapport à cette Chambre. Je serais curieux de savoir combien de personnes dans le pays, à la tribune de la presse parlementaire ont pris la peine de lire le rapport, de lire les témoignages des personnes qui avaient été convoquées au comité en tant qu'experts, ainsi que l'opinion de bien d'autres personnes qui sont venues témoigner? Par exemple, nous savons que ce sont eux les faiseurs d'opinion, le miroir bien souvent imparfait du Parlement.
Je crois avoir soulevé ici le problème fondamental. Si nous voulons un débat de fond sur la question de l'euthanasie, je crois qu'il faut commencer par s'instruire. Le Sénat a été le premier, dans une législature canadienne, à se pencher sur la question. Il me semble qu'il aurait été logique que les députés fédéraux, le gouvernement au pouvoir, que les gouvernements des provinces, auraient dû, d'ores et déjà, depuis le dépôt du rapport au Sénat, donner l'indication qu'ils ont l'intention de convoquer une importante conférence pour délibérer sur la question de l'euthanasie au pays. D'ailleurs, ce sont eux qui sont chargés de gérer les soins de santé aux citoyens de ce pays. Ainsi, nous ne serons pas obligés de procéder par voie de mesures isolées comme on l'a fait en Hollande et aux Pays-Bas. Nous n'aurons pas à entrer par la porte d'en arrière et à se servir d'un rapport du coroner pour autoriser, dans des circonstances spécifiques, la profession médicale à pratiquer l'euthanasie. Ce n'est pas comme cela que nous voulons traiter de la question ici au Canada; le débat doit être public et ouvert.
J'ai fait partie du comité sur l'euthanasie et de l'aide au suicide. Je ne mets pas en doute les bonnes intentions de ma collègue, le sénateur Carstairs, quant aux objectifs qu'elle veut atteindre par cette mesure législative privée, mais je crois cependant qu'elle fait erreur. Elle fait erreur parce que ce qu'elle propose est une mesure isolée, qui vise à modifier une partie du Code criminel, et ce n'est pas de cette façon que les Canadiens veulent que le Parlement aborde le problème. Les Canadiens veulent un débat compréhensif sur tous les aspects de la question.
Notre rapport fut une ébauche initiale, une façon de lancer le débat et depuis, tout semble arrêté. Je ne dis pas que quelqu'un applique délibérément les freins, mais je crois que l'on doit y faire face une fois pour toutes. La question de l'euthanasie ne disparaîtra pas en fumée, il s'agit d'un débat actuel. Le danger consiste à laisser le débat pourrir. Les gens qui y voient leur intérêt voudront tout chambarder pour pouvoir atteindre certains objectifs. Le débat doit être public et aller en profondeur.
Je me limiterai à ces commentaires aujourd'hui. J'ai l'intention d'y revenir bientôt. Je propose donc l'ajournement du débat.
L'honorable Philippe Deane Gigantès: Je voudrais poser une question. Ne croyez-vous pas que l'intervention du sénateur Beaudoin et ses mentions au Code civil apportent au débat un éclaircissement très nécessaire? La plus grande difficulté que nous rencontrons, je crois, avec le terme «euthanasie» est la suivante: elle semble être perçue par l'opinion populaire comme un acte par lequel un tiers décide de mettre fin à la vie de quelqu'un, pour mettre fin aux souffrances de ce quelqu'un et sans en demander la permission. C'est ce que le public a en tête lorsque l'on parle du mot «euthanasie». Le discours du sénateur Beaudoin, basé sur le Code civil, éclaircissait ce point. N'êtes-vous pas d'accord?
Le sénateur Corbin: Le sénateur Beaudoin est une personne qui s'y connaît en matière de droit. Là-dessus, j'accepte son avis, vu ses connaissances, et je ne saurais me prononcer en cette matière. Ce que vous dites, sénateur Gigantès, c'est que le public comprend que l'euthanasie est l'acte d'un tiers qui met fin à lavie de quelqu'un. À cela, je répondrais plutôt qu'un certain public peut penser cela, mais un certain public aussi la craint, et c'est là qu'est le danger. Il y a énormément de personnes dans ce pays qui ne savent pas encore ce que veut dire l'euthanasie. Je suis personnellement contre l'euthanasie pure et simple. Avant de commencer à modifier le Code criminel ou d'autres dispositions ou de commencer à s'immiscer dans le Code d'éthique professionnelle, je crois qu'il faudrait que les gouvernements, les parlementaires, les corps professionnels se mettent d'accord surla façon d'aborder le problème sur le plan légal. À ce moment-là, les juristes pourront entrer en jeu.
D'abord et avant tout, ce débat de société vient d'être lancé. Les autres gouvernements dans le monde qui endossent le concept de l'euthanasie ne sont pas tellement chaleureux. L'on invoque souvent l'exemple des Pays-Bas. Il y a eu des choses qui se sont passées dans un territoire du nord de l'Australie, récemment, mais le Parlement national ne s'est pas encoreprononcé, ni les cours de justice. L'État de New York a fait faire une étude exhaustive par des professionnels de très grand talent et ils ont rejeté l'euthanasie. La Chambre des lords en Angleterre en a fait autant.
Certains témoins qui sont venus devant le comité, ont discrédité ces personnes en affirmant qu'ils ne savent pas de quoi ils parlent, que ce n'était pas sérieux, mais si ce n'est pas sérieux, pourquoi n'entreprenons-nous pas ce grand débat national? Je crois qu'il appartient au gouvernement, quel qu'il soit, de lancer le débat. Nous avons envoyé des signaux, nous avons exprimé des points de vue; nous avons eu des réactions du ministre de la Santé, mais cela n'est pas allé assez loin, à mon avis.
(1510)
Au risque de me répéter, je regrette de ne pas pouvoir répondre à votre question, mais je préfère ne pas le faire aujourd'hui. J'y reviendrai plus tard.
(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)
[Traduction]
PROJET DE LOI D'INTÉRÊT PRIVÉ
LA LOI CONSTITUANT EN PERSONNE MORALE L'ÉVÊQUE DES RÉGIONS ARCTIQUES POUR L'ÉGLISE ANGLICANE AU CANADA—PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE
L'honorable Noël A. Kinsella, au nom du sénateur Meighen, propose: Que le projet de loi S-15, Loi modifiant la Loi constituant en personne morale l'évêque des régions arctiquespour l'Église anglicane au Canada, soit lu une troisième fois.
(La motion est adoptée, et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)
PROJET DE LOI SUR LA SÛRETÉ ET LA RÉGLEMENTATION NUCLÉAIRES
TROISIÈME LECTURE
Permission ayant été accordée de revenir au premier article à l'ordre du jour:
L'honorable Nicholas W. Taylor propose: Que le projet de loi C-23, Loi constituant la Commission canadienne de sûreté nucléaire et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu une troisième fois.
MOTION D'AMENDEMENT
L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui du sénateur Carney:
Que le projet de loi C-23 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit amendé à l'article 2, page 3, par substitution de ce qui suit aux lignes 3 à 7:
«ministre» Le ministre de l'Environnement.
Honorables sénateurs, je propose cet amendement non seulement en mon nom personnel, mais aussi au nom du sénateur Pat Carney, qui tient à y être associé. Le sénateur Carney a beaucoup d'expérience dans ce domaine.
L'article 2 du projet de loi désigne le ministre des Ressources naturelles comme ministre responsable de la nouvelle Commission canadienne de sûreté nucléaire, organisme de réglementation de l'énergie nucléaire au Canada qui succède à la Commission de contrôle de l'énergie atomique. Les mémoires sur le projet de loi C-23, qui ont été présentés au comité des Communes et à notre comité, ont fait valoir, fort raisonnablement, que cette désignation ne convient pas.
Le ministre des Ressources naturelles sera toujours chargéd'Énergie atomique Canada Limitée, dont la fonction est de promouvoir et de vendre l'énergie nucléaire. Les ministres des Ressources naturelles ont fort bien réussi à promouvoir la technologie nucléaire canadienne chez nous et à l'étranger. La nouvelle commission qui succède à la CCEA aura explicitement pour mission de veiller sur la santé, la sûreté et la protection de l'environnement. Elle pourra exiger des garanties financières, ordonner des mesures correctives et obliger les responsables à assumer les frais de décontamination.
Tout le projet de loi tend à préciser la distinction entre l'EACL et la nouvelle commission. Il est éminemment logique de ne pas placer le ministre des Ressources naturelles en situation de conflit d'intérêts, entre la promotion du nucléaire et le maintien de la sécurité. La première raison d'être de l'amendement est de séparer clairement les fonctions de réglementation et de promotion.
Si l'amendement propose que le ministre de l'Environnement soit désigné comme ministre responsable de la nouvelle commission, c'est aussi pour faire en sorte que le Cabinet et les personnes chargées de prendre d'importantes décisions concernant la sûreté nucléaire et la protection de la santé et la sécurité des Canadiens puissent faire appel à d'autres opinions et connaissances scientifiques en dehors de l'industrie nucléaire, dominée, me dit-on, par des physiciens. Cela aidera à faire en sorte qu'il y ait des contrepoids suffisants pour que puissent se prendre des décisions éclairées sur des questions fort graves. C'est cette commission, par exemple, qui devra voir si tel site d'entreposage des matières nucléaires convient bien.
Ce n'est pas une question de détail. En mettant sur pied une commission dont la principale préoccupation est la santé, la sécurité, la protection du public et la défense de l'environnement, nous ne devrions pas désigner un ministre dont la mission première est d'assurer la promotion de l'énergie nucléaire. C'est cet argument logique dont les sénateurs tiendront compte, je l'espère, en prenant leur décision sur l'amendement.
C'est un horrible exemple de ce qui arrive quand on laisse les renards garder le poulailler: la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale n'a pas donné les résultats escomptés parce que les gens qui évaluent les projets sont les mêmes qui les présentent. Dans une étude récente de Price Waterhouse, on lit que la loi habilitante a la grave lacune de ne pas charger un organisme indépendant de l'évaluation des effets environnementaux, socioéconomiques et autres des projets.
C'est un amendement important. J'espère bien que le sénateurs l'examineront et qu'ils l'appuieront.
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, en intervenant pour m'opposer à cet amendement, je dois dire que j'admire la ténacité de madame le sénateur Spivak. Cette motion a été présentée par les deux mêmes sénateurs durant les audiences du comité et a été rejetée. Si vous vous reportez au hansard du 13 mars, vous constaterez que le comité a recommandé que la Commission canadienne de sûreté nucléaireet Énergie atomique Canada relèvent de deux ministres différents.
Bien que je sois d'accord avec l'objet de l'amendement des sénateurs Spivak et Carney, qui précise les ministres responsables, le comité tenait à ce que la loi reste en vigueur pendant de nombreuses années, et Dieu seul sait ce qu'un premier ministre récemment élu ferait en établissant son cabinet. Une loi imputant la responsabilité au ministre de l'Environnement ou à celui des Ressources naturelles, quand la personne appropriée serait plutôt le ministre de la Santé ou Dieu sait qui, risque de créer d'autres problèmes. La recommandation unanime du comité est que l'article proposé stipule que les organismes relèvent de deux ministres différents, au lieu de préciser les ministres.
(1520)
Je ne sais pas comment le Conseil privé sera formé dans l'avenir, ni quels seront les titres des ministres. Dans toute sa sagesse, le comité a unanimement proposé que la Commissioncanadienne de sûreté nucléaire et Énergie atomique Canada relèvent de deux ministres différents.
Je demande aux sénateurs de rejeter la motion d'amendement et d'adopter le projet de loi avec la recommandation présentée par le sénateur Ghitter à titre de président du comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, avec l'appui unanime du comité.
Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, le sénateur Taylor a tout à fait raison de dire que telle était la recommandation du comité.
Son Honneur le Président: Madame le sénateur Spivak répond-elle à une question ou en pose-t-elle une?
Le sénateur Spivak: Je réponds à une question.
Son Honneur le Président: Veuillez continuer.
Le sénateur Spivak: L'honorable sénateur trouve ma motion d'amendement bien audacieuse et je serai heureuse de lui donner des explications.
Je pense qu'il laisse de côté deux faits importants. Tout d'abord, cela n'est devenu une recommandation unanime du comité qu'une fois rejetée une proposition d'amendement qui aurait fait exactement la même chose. Deuxièmement, si le comité n'avait pas fait une recommandation, mais une proposition d'amendement, la mesure que nous prenons aujourd'hui ne serait pas nécessaire.
Honorables sénateurs, nous ne pouvons pas tout laisser entre les mains du Conseil privé et des premiers ministres parce qu'ils n'ont pas nécessairement accès à toute l'information pertinente. La question des conflits d'intérêts concerne les ministres, individuellement, et leurs mandats respectifs. Cet amendement n'est pas une solution parfaite, mais au moins il instaure un certain équilibre des pouvoirs. Nous savons ce qui arrive aux recommandations du Sénat. Ils n'ont aucun poids. Un amendement aurait toutefois un certain poids. On peut très bien ne pas tenir compte d'une recommandation. Il est évident que la version actuelle du projet de loi ne crée pas d'équilibre des pouvoirs comme ce serait le cas s'il y avait deux ministres en cause.
Je propose le ministre de l'Environnement dans ce projet de loi. Je ne pense pas que nous verrons le jour où les effets de l'énergie nucléaire sur l'environnement ne relèveront pas du ministre de l'Environnement, car nous parlons précisément d'environnement. Bien sûr, il est aussi question de santé, mais le ministre de la Santé a le mandat de veiller sur la santé des Canadiens en toutes circonstances. Dans l'état actuel des choses, le ministre de l'Environnement ne fait pas partie des responsables de l'agence.
Honorables sénateurs, c'est la raison de ma motion d'amendement, et ma réponse à la question du sénateur Taylor.
Son Honneur le Président: Si aucun autre sénateur ne désire intervenir sur la proposition d'amendement, je vais mettre la question aux voix.
Il est proposé par l'honorable sénateur Spivak, appuyée par l'honorable sénateur DeWare:
Que le projet de loi C-23 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit amendé à l'article 2, en remplaçant les lignes 1 à 5, à la page 3, par ce qui suit:
««ministre» Le ministre de l'Environnement.» Des voix: D'accord. Des voix: Non. Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont en faveur
de la motion veuillent bien dire oui. Des voix: Oui. Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre
veuillent bien dire non. Des voix: Non. Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent. Une voix: Avec dissidence. (La motion d'amendement est rejetée avec dissidence.) Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le vote
porte maintenant sur la motion de troisième lecture. L'honorable sénateur Taylor, appuyé par l'honorable sénateur
Milne, propose que le projet de loi soit lu une troisième fois. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion? (La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)
PROJET DE LOI SUR LES ADDITIFS À BASE DE MANGANÈSE
ÉTUDE DU RAPPORT PROVISOIRE DU COMITÉ PERMANENT DE L'ÉNERGIE, DE L'ENVIRONNEMENT ET DES RESSOURCES NATURELLES—MOTION VISANT LE RENVOI DU RAPPORT AU COMITÉ—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'étude du sixième rapport du comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles (rapport intérimaire sur le projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances de manganèse), présenté au Sénat le 4 mars 1997.—(L'honorable sénateur Buchanan, c.p.)
L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, je veux prendre la parole pour participer au débat sur cette question et ajouter quelques remarques à l'excellent discours du sénateur Ghitter.
Honorables sénateurs, le porte-parole du gouvernement sur ce projet de loi, le ministre de l'Environnement, M. Marchi, a dit ce qui suit devant le comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles:
Quand j'ai accepté ce portefeuille, au printemps de 1996, j'ai demandé aux raffineurs de fournir aux Canadiens un choix de carburants: de l'essence avec l'additif MMT et une pompe verte vendant de l'essence sans cet additif chimique.
Honorables sénateurs, si le ministre de l'Environnement nous a dit que, selon sa politique et la politique du gouvernement, il était acceptable que les stations-service vendent de l'essence avec MMT à condition qu'elles vendent aussi de l'essence sans MMT, comment expliquer le projet de loi C-29, qui vise à interdire le transport du MMT? Il y a une contradiction flagrante dans la position du ministre. Il présente ce projet de loi afin d'interdire ce terrible additif qu'est le MMT. Je rappellerai aux sénateurs les arguments qu'on nous a servis pour nous convaincre de la nécessité d'interdire le transport du MMT. Puis, le ministre dit qu'il n'y aura pas de problème, à condition que les stations-service aient une pompe pour l'essence sans MMT.
Honorables sénateurs, il y a une contradiction fondamentale dans la politique du ministre. Il a témoigné devant notre comité et déclaré ce que je viens de vous lire. Ses paroles sont consignées à la page 36 du rapport provisoire que nous débattons actuellement.
Honorables sénateurs, lorsque nous recevons une mesure législative, notre travail en tant que membres du parti de l'opposition au Sénat — et la même chose devrait se faire à l'autre endroit — consiste à découvrir la vérité et à formuler des critiques, au sens le plus pur du terme. Il ne s'agit pas de formuler des critiques pour se quereller ou pour faire de l'obstruction, mais bien de formuler des critiques au sens nosologique du terme. Le sénateur Gigantès comprendrait cela.
(1530)
Qu'avons-nous fait? Nous avons examiné les arguments avancés par le gouvernement en faveur du projet de loi C-29. On nous a dit que cette loi devait absolument être adoptée, qu'il fallait interdire le transport du MMT parce que cette substance présentait un danger pour la santé des Canadiens. Nous avons pris cela en note. C'était un argument sérieux. Franchement, si cela avait été vrai, nous aurions pu appuyer cette initiative.
On nous a également dit que, si le gouvernement du Canada voulait faire adopter cette mesure, c'était parce que le MMT présentait aussi un danger pour l'environnement et que les émissions de manganèse inquiétaient beaucoup le gouvernement. Encore une fois, si cela avait été vrai, j'aurais certainement appuyé l'interdiction de ce produit chimique.
Le troisième argument avancé par le gouvernement était qu'il voulait que les essences canadiennes soient harmonisées avec les essences vendues dans d'autres parties du monde, particulièrement ailleurs en Amérique du Nord. De prime abord, cet objectif semblait raisonnable.
Quatrièmement, le gouvernement a fait valoir qu'il fallait éliminer le MMT dans l'essence parce qu'il bousillait les diagnostiqueurs de bord. Ce dispositif alerte le conducteur en cas de mauvais fonctionnement du système d'échappement. Il faut se rendre à l'évidence. Si nous établissons des normes que les fabricants d'automobiles doivent appliquer à leurs dispositifs anti-pollution, nous devons nous associer à l'industrie dans la réalisation de ces dispositifs.
Honorables sénateurs, le comité de l'énergie a tenu de nombreuses audiences, au cours desquelles ne nombreux témoins ont comparu. Qu'avons-nous appris? Nous tenions à tirer les choses au clair. Existait-il un risque pour la santé? Pour l'environnement? La question de l'harmonisation des carburants se posait-elle? Le MMT bousille-t-il les diagnostiqueurs de bord? Honorables sénateurs, le rapport du comité, qui représente l'opinion de la majorité des membres du comité et l'annexe, qui représente l'opinion minoritaire, étaient unanimes au sujet de la question de la santé et arrivaient à la conclusion que l'argument était faux. Tout démontre que le MMT ne pose pas de risque pour la santé. Cet argument en faveur du projet de loi ne tenait donc plus.
Se posait ensuite la question du danger du MMT pour l'environnement. Les renseignements recueillis, dont le rapport provisoire contient un résumé, ne permettaient pas de conclure que le MMT représente un danger pour l'environnement compte tenu de la manière dont il est utilisé dans l'environnement. Si c'était le cas, nous recommanderions d'interdire ce produit. De fait, pourquoi ne pas régler carrément le problème et modifier la législation environnementale en y incluant des dispositions qui permettraient d'interdire les produits dangereux?
Quant à l'argument concernant l'harmonisation, il était facile àréfuter puisque les États-Unis, notre principal partenaire commercial, ont levé l'interdiction qui frappait l'utilisation du MMT dans l'essence. Aussi, en adoptant ce projet de loi, nous désavantagerions grandement les raffineries canadiennes quiexportent de l'essence contenant du MMT vers les États-Unis. Ce serait tout particulièrement le cas des raffineries de ma région, le Nouveau-Brunswick, où se trouve la plus grande raffinerie pétrolière au Canada, celle de la société Irving Oil à Saint-Jean. Cette raffinerie exporte des quantités considérables de pétroleraffiné vers le nord-est des États-Unis. Si le marché commençait à demander de l'essence contenant du MMT, ce que la levée de l'interdiction rend maintenant possible, il n'y aurait plus d'harmonie. Cette raffinerie sera terriblement désavantagée, tout comme d'ailleurs la raffinerie située à Terre-Neuve qui vend une grande partie de ses produits raffinés sur le marché américain.
Comme le prouve ce rapport, honorables sénateurs, tout se résume à la question de savoir si la petite quantité de MMT qui est ajoutée à l'essence à la fin du processus de raffinage a pour effet d'endommager les détecteurs qui font partie des instruments diagnostiques de bord dont sont équipées les nouvelles voitures. Nous ne parlons pas de l'ensemble du parc automobile canadien qui compte 14 millions de véhicules. Nous parlons seulement des véhicules fabriqués ces deux ou trois dernières années. Par conséquent, il fallait que nous sachions quelles étaient les preuves.
Les deux géants de l'industrie ont une position opposée sur la question. Il y a, d'une part, l'industrie automobile et, de l'autre, l'industrie pétrolière. Franchement, je dois dire que je suis déçu que le ministère de l'Environnement ait failli à son devoir. Il n'a pas joué le rôle d'arbitre impartial qui est habituellement le sien dans tous les conflits de ce genre entre ces deux industries. Il semblerait que l'ancienne ministre de l'Environnement ait fait une erreur lorsqu'elle a dit que si les compagnies automobiles et les pétrolières étaient incapables de régler le problème, elle s'en chargerait. Clairement, devant une telle situation, l'industrie automobile s'est contentée de sourire disant: «Bien. Nous ne collaborerons pas avec les pétrolières puisque la ministre est de notre côté. Elle va présenter un projet de loi interdisant le MMT.»
Nous voulions savoir à quoi nous en tenir. Les membres du comité ont fait un excellent travail. Ils ont écouté les dépositions des témoins. Je pense que nous avons compris les données techniques aussi bien que n'importe quel autre jury composé de non-initiés. Les preuves présentées étaient contradictoires. Les membres du comité qui ont écrit le rapport minoritaire sont parvenus à la conclusion que les preuves ne permettaient pas de conclure que le MMT endommage les dispositifs diagnostiques de bord. Nous avons toutefois étaient impressionnés par le fait que huit gouvernements provinciaux aient dit au fédéral: «N'adoptez pas ce projet de loi. Nous croyons que le MMT n'endommage pas les dispositifs antipollution et nous avons déjà fait la preuve que les autres arguments en faveur de cette mesure législative n'étaient pas fondés.»
(1540)
Honorables sénateurs, les témoins, particulièrement les représentants des gouvernements de l'Alberta et de la Nouvelle-Écosse ont dit: «Pourquoi ne pas soumettre ces données à l'examen d'un groupe de chercheurs objectifs?» Ils ont suggéré la Société royale du Canada. Il est intéressant qu'ils l'aient mentionnée car, seulement quelques semaines plus tôt, le premier ministre du Canada s'était servi des études de la Société royale du Canada sur l'amiante dans ses interventions auprès du gouvernement français à propos de l'innocuité de ce produit.
Selon nous, cette proposition était très logique. On nous a affirmé que la Société royale pourrait faire cette étude en 11 ou 12 semaines. Toutes les parties devraient accepter les résultats de cette analyse objective effectuée par une tierce partie, alors que c'est le ministre de l'Environnement qui aurait dû jouer ce rôle de tierce partie et faire cette analyse. Ils ont manqué à leur devoir.
C'était une solution. Le comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles demanderait à la Société royale de procéder à une étude objective et, quels que soient les résultats, la Chambre les ferait siens et l'industrie de l'automobile, l'industrie pétrolière et les huit autres gouvernements du Canada y souscriraient.
Nous croyons encore, honorables sénateurs, que c'est la bonne façon de procéder. Ceux qui ont suivi cette saga, et c'est le cas de bien des Canadiens, affirment maintenant que ce projet de loi repose sur des sables mouvants. Il soulève toutes sortes de problèmes par rapport aux contestations possibles en vertu de l'ALENA et aux violations des accords commerciaux fédéraux-provinciaux. Rien de cela est nécessaire. Il existe une façon de s'en sortir; il suffit de demander à une tierce partie indépendante d'évaluer le dossier. Les données sont là.
MOTION VISANT LE RENVOI DU RAPPORT AU COMTIÉ
L'honorable Noël A. Kinsella: Par conséquent, honorables sénateurs, je propose, appuyé par l'honorable sénateur Doyle:
Que le rapport intérimaire sur le projet de loi C-29, Loi régissant le commerce interprovincial et l'importation à des fins commerciales de certaines substances à base de manganèse, ne soit pas étudié maintenant, mais plutôt renvoyé au comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, que celui-ci soit instruit de mettre en oeuvre la recommandation présentée à la page 45 du rapport intérimaire, à savoir:
Nous recommandons que la Société royale du Canada effectue une évaluation approfondie de toutes les informations présentées au sujet du projet de loi C-29 et fasse part de ses constatations au comité dans les plus brefs délais
et
Que le Sénat ne procède à aucune autre étude du projet de loi C-29 avant que le comité n'ait déposé lesdites constatations auprès du Sénat.
L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai été un peu surpris parce que le leader de l'opposition tenait un livre rouge dans ses mains.
Le sénateur Lynch-Staunton: Ce n'est pas le vôtre.
Le sénateur Taylor: Il est devenu bleu maintenant.
Honorables sénateurs, pendant près de deux ans, l'entreprise Come By Chance et d'autres raffineries ont exporté de l'essencevers les États-Unis, même si le manganèse était illégal dans ce pays. L'honorable sénateur Kinsella pourrait-il nous dire si cette essence a été trafiquée ou si elle contenait effectivement du manganèse?
Le sénateur Kinsella: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. J'ai effectivement visité la raffinerie Irving de Saint John. On y fabrique de l'essence sans MMT depuis des années.
Le sénateur Berntson: Avec un indice d'octane de 50.
Le sénateu r Kinsella : Ils ont haussé le niveau d'octane en brûlant plus de pétrole brut et à des températures plus élevées. Cette procédure produit de nombreux effets secondaires négatifs sur l'environnement de Saint John. C'est l'environnement qui encaisse le coup lorsque, pour obtenir le même niveau d'octane, il faut brûler plus de pétrole brut pendant plus longtemps et à des températures plus élevées.
De toute façon, ils ont commercialisé et livré de l'essence sans MMT sur les marchés de la Nouvelle-Angleterre pendant un bon moment. Selon mes informations, la raffinerie Come By Chance faisait de même, mais ne je suis pas absolument certain que ce soit le cas.
Le sénateur Taylor: Ils savent donc comment faire?
Le sénateur Kinsella: Absolument.
(Sur la motion du sénateur Taylor, le débat est ajourné.)
ALLOCATION DE TEMPS AU DÉBAT—AVIS DE MOTION—RECOURS AU RÈGLEMENT—DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le moment est peut-être bien choisi pour rendre ma décision sur le rappel au Règlement qu'a soulevé le chef de l'opposition plus tôt aujourd'hui. Il s'agissait de savoir si le sénateur Stanbury pouvait agir à titre de leader adjoint suppléant du gouvernement aux fins de la motion qu'il avait présentée.
Je n'ai pas voulu rendre une décision immédiatement, car je voulais d'abord m'assurer que rien dans le Règlement n'établissait la procédure de nomination du leader adjoint du gouvernement ou du chef adjoint de l'opposition. En effet, le Règlement n'indique rien de cela. Ce sont les précédents qui l'emportent.
Selon la pratique dans le passé, et je crois que la situation s'est produite des deux côtés de la Chambre, la personne qui occupe le fauteuil du leader adjoint du gouvernement ou du chef adjoint de l'opposition est réputée détenir le pouvoir correspondant à ce titre. Si les honorables sénateurs veulent bien vérifier, ils constateront qu'il est déjà arrivé, des deux côtés de la Chambre, qu'une personne agisse à ce titre. Comme le Règlement ne dit rien d'autre, je dois donc me fier aux précédents.
En outre, aujourd'hui, le Sénat a accepté que le sénateur Stanbury ait le droit d'agir à ce titre, puisque, au début des délibérations, sous la rubrique Avis de motions du gouvernement, le sénateur Stanbury a pris la parole et a demandé au Sénat la permission de présenter une motion, et aucun rappel au Règlement n'a été fait.
Le sénateur Lynch-Staunton: Un rappel au Règlement ne peut pas être fait pendant les Affaires courantes.
Son Honneur le Président: C'est exact. Cependant, ce rappel n'a pas été fait à l'égard de cette motion. Je suis disposé à trancher que, selon les précédents, la personne qui occupe le fauteuil du leader adjoint du gouvernement ou du chef adjoint de l'opposition est habilité à agir à ce titre.
Je juge donc recevable la motion qu'a présentée l'honorable sénateur Stanbury.
RECOURS AU RÈGLEMENT
L'honorable Philippe Dean Gigantès: Honorables sénateurs, je voudrais invoquer le Règlement.
Le sénateur Lynch-Staunton: On ne peut invoquer le Règlement après une décision du Président. Il faut d'abord que ce soit approuvé par oui ou par non. Voyons, il doit sûrement y avoir des dispositions du Règlement que nous pouvons respecter.
Son Honneur le Président: Nous passons donc au prochain point à l'ordre du jour.
Le sénateur Gigantès: Honorables sénateurs, en toute déférence, lorsque le sénateur Kinsella est intervenu, il a parlé pendant 18 minutes et demie. Le Règlement prévoit 15 minutes, et je souhaiterais qu'on respecte le Règlement. Si quelqu'un avait dit au sénateur que son temps de parole était écoulé, il aurait été forcé de demander la permission pour poursuivre. Je la lui aurais refusée, comme je vais la refuser à quiconque va la demander, dès lors que je suis présent.
(1550)
L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, j'interviens au sujet du rappel au Règlement. L'intervention du sénateur Corbin était bien inférieure à 15 minutes, mais avec les questions soulevées par le sénateur Gigantès, son intervention a dépassé de loin les 15 minutes prévues. Comme nous le savons, les discours et les questions ne peuvent dépasser la période de 15 minutes prévue. Bien entendu, je réponds au rappel au Règlement du sénateur Gigantès et j'ai tout à fait le droit de le faire.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le Règlement est clair. On prévoit une période de 15 minutes pour tous les sénateurs, à l'exception du leader du gouvernement et du chef de l'opposition, du sénateur présentant un projet de loi et du premier orateur qui le suit. Les services du greffier essaient de respecter cette règle. Si nous ne l'avons pas fait, j'en assume la responsabilité. Nous serons plus rigoureux à l'avenir si le Sénat le veut ainsi.
LES DROITS DE LA PERSONNE
LES MINORITÉS VISIBLES ET LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA—LE RAPPORT PRÉSENTÉ À LA COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE— INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Oliver, attirant l'attention du Sénat sur un rapport présenté à la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) par John Samuel and Associates Inc. intitulé «Les minorités visibles et la fonction publique du Canada».—(L'honorable sénateur Gigantès).
L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, je félicite de nouveau le sénateur Oliver qui attire notre attention sur cette affaire, qui est vraiment très grave et qui nécessite un examen. Je vais demander aux responsables du Service de recherche de la Bibliothèque du Parlement de me fournir les chiffres que je communiquerai ensuite aux sénateurs qui les demanderont. Ce ne seront pas mes chiffres, mais bien ceux de la Bibliothèque du Parlement.
Un examen superficiel, ou une brève recherche, me permet d'affirmer que les chiffres cités par le sénateur Oliver sont exacts. Il y a quelque chose qui ne va pas et je vais faire mon possible pour y voir.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)
LES ANCIENS COMBATTANTS
LES RÉCENTES FUNÉRAILLES DES AVIATEURS CANADIENS TUÉS DANS L'ÉCRASEMENT DE LEUR AVION EN BIRMANIE PENDANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE—INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Lorna Milne, ayant donné avis le 10 mars 1997:
Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur les récentes funérailles d'aviateurs canadiens dont l'avion s'est écrasé en Birmanie en 1945.
— Honorables sénateurs, il y a quelques semaines, un groupe d'environ 130 Canadiens s'est rendu en avion à l'autre bout du monde pour rendre un dernier hommage, avec tous les honneurs militaires, à six jeunes héros canadiens: le lieutenant d'aviation William Joseph Kyle, le lieutenant d'aviation David McLean Cameron, le sous-officier breveté de 1re classe Stanley James Cox, le sous-officier breveté de 2e classe William Bennet Rogers, le sergent de section Charles Peter McLaren et l'aviateur-chef Cornelius John Kopps.
Ces Canadiens sont morts en Birmanie quand leur avion s'est abattu pendant un orage de la mousson, le 21 juin 1945. Ils faisaient partie de l'escadron Chinthe 435 de l'ARC chargé de transporter des fournitures «au-delà de la colline» à partir de leur camp dans la vallée Imphal, en Inde, à l'armée britannique installée dans le nord de la Birmanie, lorsque leur appareil a disparu au retour, près de la frontière entre l'Inde et la Birmanie.
Cette histoire est fascinante. Personne n'a plus entendu parler de ces jeunes hommes jusqu'à ce qu'une montre, trouvée par un chasseur de la région en 1990, arrive au cimetière de la Commonwealth Graves Commission, à Taukkyan, et soit identifiée, en juillet 1995, comme appartenant au Canadien William Kyle. Deux tentatives ont été faites pour retracer l'appareil écrasé, soit à la fin de 1995 et en mars 1996, mais elles ont toutes deux échoué. Le site de l'écrasement était trop isolé, c'est-à-dire à environ 50 kilomètres du village le plus près, se trouvait dans la jungle et plus d'un demi-siècle de pluies de la mousson et de végétation tropicale avaient enterré une grande partie de ce qui restait de l'avion.
La troisième tentative, en décembre 1996, a été un chef-d'oeuvre de collaboration entre le gouvernement canadien, le régime militaire de la Birmanie — ou de l'Union de Myanmar, comme on préfère appeler le pays aujourd'hui — l'ambassadeur birman à Ottawa, Dr Kyaw Win, et l'ambassade canadienne à Bangkok, qui est chargée de la Birmanie. Une équipe de récupération a été formée et constituée de représentants des Anciens combattants Canada et des Affaires étrangères Canada ainsi que de spécialistes des Forces canadiennes dans de nombreux domaines, sous la direction du major William Leavey. Les participants à cette expédition ont suivi un entraînement difficile, tant ici, au Canada, que plus tard en Birmanie, où le temps était extrêmement chaud et humide. Quant à elle, l'armée birmane a non seulement redécouvert le site de l'écrasement, mais elle a aménagé une aire d'atterrissage d'hélicoptère et a mené l'équipe canadienne jusqu'au site.
Le Dakota KN 563 de l'Aviation royale du Canada s'est écrasé lorsqu'il a été surpris dans un nuage de mousson accompagné d'un fort cisaillement du vent. La force d'un tel vent peut déplacer vers le haut un Dakota chargé à craquer à une vitesse de 6 000 pieds la minute, puis, une seconde plus tard, le pousser vers la terre à la même vitesse. Des morceaux d'une aile auraient été retrouvés à environ deux milles du site principal de l'écrasement. Il est donc fort probable qu'une aile de l'appareil ait été arrachée. Pour vous donner une idée de la force épouvantable des vents à l'intérieur de ces nuages, disons qu'un avion qui s'est écrasé en Inde, pendant un orage de la mousson au cours de la guerre, a été retrouvé les ailes repliées un peu comme les pétales d'une fleur.
L'avion canadien a été retrouvé au fond d'un ravin aux parois escarpés, des centaines de débris dispersés sur environ 30 mètres carrés. Depuis l'écrasement, soit depuis plus de 50 ans, les décombres étaient de plus en plus camouflés par les broussailles et l'érosion du sol que produisent tous les ans les pluies de mousson. Comme notre équipe n'avait que trois jours pour fouiller les décombres, elle a donc creusé sans arrêt. Les représentants de la Birmanie ont même enlevé leur uniforme pour donner un coup de main aux Canadiens.
L'équipe a récupéré une bonne partie des débris, aucun fragment ne faisant plus d'un mètre et demi, quelques ossements humains de même que l'hélice, avec le numéro d'identification et la cocarde figurant sur le fuselage, qui sera exposée au Musée de la guerre, ici, à Ottawa.
L'équipe de récupération a fait un travail superbe. Chacun de ses membres a trouvé l'expérience énormément enrichissante et très intense. Juste avant de quitter le site, les membres de l'équipe ont tenu un service commémoratif en pleine jungle, un drapeau Le Canada se souvient en berne, et ont épinglé six coquelicots à un arbre. C'est d'un air enjoué qu'ils ont quitté les lieux en lançant toutefois un «Au revoir» déchirant à ces héros décédés.
Grâce aux efforts de l'équipe de récupération, une délégation de Canadiens a pu se réunir le 5 mars dernier au cimetière militaire de Taukkyan, situé à 35 kilomètres de Rangoon, pour mener ces six jeunes héros à leur dernier repos. Cette délégationétait dirigée par Lawrence MacAulay, secrétaire d'État aux Anciens combattants, et comprenait des membres de la famille de chacune des six victimes, de même que des anciens combattants qui ont servi en Birmanie avec ces jeunes soldats, des représentants de l'Association des 435-436 et des escadrons de la Birmanie, de la Légion royale canadienne, du président des Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes du Canada, du sous-ministre des Affaires des anciens combattants et de divers représentants du ministère, de trois députés — John Loney, Stéphan Tremblay et Jack Frazer — du sénateur Forrestall et de moi-même, ainsi que d'une forte délégation des Forces armées, une équipe de l'Office national du film, de membres de la presse et de reporters de revues militaires — une délégation fort impressionnante.
(1600)
Le cimetière militaire de Taukkyan est un endroit magnifique et paisible. C'est un oasis d'arbres et d'arbustes en fleurs et de gazons bien soignés où se trouve un cénotaphe. Il est dominé par l'énorme monument commémoratif de Rangoon, qui est dédié aux 26 875 membres des forces armées du Commonwealth qui n'ont pas de tombe connue et qui reposent quelque part dans les jungles chaudes et humides de la Birmanie. Le monument est entouré de belles rangées de pierres tombales des 6 368 personnes qui y sont enterrées. Nos forces armées avaient veillé à ce que toutes les tombes de soldats canadiens soient marquées d'un petit drapeau canadien de telle sorte que nous puissions les visiter après la cérémonie.
La cérémonie était très touchante. Le fait qu'elle a été menée avec tous les honneurs militaires a aidé les familles à tenir le coup en dépit des souvenirs qui les envahissaient. Tout était magnifique, de la garde du drapeau à la garde d'honneur, qui étaient en partie composées de membres actuels du 435e scadron de transport et de sauvetage, posté à Winnipeg; du panégyrique profond et pénétrant du major Kevin Dingwall, aumônier, aux paroles émouvantes du secrétaire MacAulay sur le fait que:
[...] venant de divers villages et villes du Canada, ces six jeunes gens s'étaient rencontrés à un moment où leur vie allait prendre fin et où la vie de leurs parents et amis, à des milliers de milles de là, allait être changée; chacun était le fils de sa mère, la joie et la fierté de son père, un héros pour son frère ou sa soeur. Désormais, ils étaient disparus pour toujours.
Depuis le défilé des anciens combattants jusqu'à l'emplacement de la tombe au soin avec lequel on a déposé de la terre du Canada sur le cercueil, depuis les notes lancinantes de l'Appel aux morts joué par le clairon à l'air des «Flowers of the Forest» rendu à la cornemuse, depuis le moment où les médailles de leur cher disparu et un drapeau dûment plié ont été remis au représentant de chacune des familles à l'instant où Mark Kyle a déposé un rosaire blanc sur le cercueil qui contenait les restes de son oncle, toute la cérémonie a été émouvante et touchante. Cela a sans doute été une bonne chose que la garde d'honneur ne puisse pas lancer les trois salves traditionnelles au-dessus de la tombe, car cela aurait fait éclater tout le monde en sanglots. Le régime militaire de la Birmanie a refusé que l'on apporte de vraies armes sur son territoire. Les membres de la garde étaient donc armés de copies en caoutchouc de leurs fusils.
La grande bonté et les égards avec lesquels on a traité les familles, de même que la cérémonie elle-même, ont aidé chacune des familles à boucler la boucle de la vie de leur être cher et à clore ce chapitre. Tout cela a été fait avec prévenance et bonté par le ministère des Anciens combattants et par les forces armées.
Les familles présentes à la cérémonie composaient un groupe intéressant et remarquable de personnes. Comme je l'ai déjà dit, William Kyle était représenté par son neveu Mark, de Perth, en Ontario. Un jeune homme bien.
David Cameron était représenté par ses frère et belle-soeur, George et Dorothy Cameron, de Port Elgin, en Ontario. George a dit plus tard qu'il croyait s'être préparé à une journée remplie d'émotions, mais que la cérémonie avait réveillé le souvenir de ce terrible appel téléphonique par lequel ils avaient appris la nouvelle, en 1945, comme s'il s'était produit seulement la veille. Les Cameron ont été particulièrement émus lorsque le cornemuseur a joué la «March of the Cameron Men», un soir, au cours du voyage.
Stanley Cox était représenté par le fils qu'il n'a jamais connu. Philip Magee et sa femme Aurelia sont venus de Bakersfield, en Californie, pour participer à la cérémonie. Ce doit être difficile de ne pas avoir connu personnellement son père, mais ce long voyage a aidé M. Magee à comprendre qui son père avait dû être. Les souvenirs des anciens combattants semblaient l'intéresser particulièrement.
William Rogers était représenté par son frère cadet Don, venu de Scarborough, en Ontario, avec sa femme Joan. Don et William ont grandi aux coins des rues Vernon et Watt, à Halifax, et le voisinage a tenu un service commémoratif, de sa propre initiative, le matin du 5 mars, avec un joueur de clairon et une garde du drapeau de la filiale Scotia-25 de la Légion royale canadienne.
Peter McLaren était représenté par sa soeur Elinor et son mari George Brown, de Campbellville, en Ontario, localité où elle et son frère ont été élevés sur la ferme voisine de celle où vivaient des parents de mon mari. Peter écrivait énormément, et Elinor a encore les 150 lettres qu'il a envoyées à ses parents et la centaine qu'il lui a écrites et dans lesquelles il décrivait les conditions dans lesquelles les aviateurs travaillaient et la difficulté de rester propres. Ces lettres pourraient probablement constituer une histoire à elles seules.
Cornelius Kopp était bien représenté par cinq soeurs et quatre frères. En tout, 17 membres de la famille Kopp étaient présents aux funérailles, et ils venaient de St. Catherine's, de Vineland, de Perry Sound, de Calgary, de Kamloops, de Mesa, en Arizona, etde Snohomish, dans l'État de Washington. Dix ans s'étaient écoulés depuis leur dernière rencontre et cela faisait vraiment chaud au coeur de les voir tous se rappeler de bons souvenirs et, comme un des frères l'a fait remarquer, se dire que c'était peut-être la dernière fois qu'ils se voyaient tous ensemble.
Je regrette seulement de ne pas avoir apporté un magnétophone. Les histoires racontées par les familles et les anciens combattants valaient la peine d'être enregistrées, la réunion ayant réveillé des souvenirs et des émotions comme cela arrive rarement. Peut-être est-ce parce que nous étions tous là pour nous rappeler des souvenirs. L'avion et les hôtels où nous avons logé étaient remplis d'histoires, qui méritaient toutes d'être enregistrées et de faire l'objet d'un livre.
Cecil Law, de Kelowna, en Colombie-Britannique, m'a été présenté en tant que grand-père de l'escadron. C'est un homme intelligent et de belle apparence qui a pris le temps de mettre en vers ses mémoires et ses sentiments.
J'ai partagé un repas à Rangoon avec Leonard Craig, d'Ottawa et de Smith Falls. Il croit être la dernière personne à avoir vu le Dakota KN 563 avant qu'il s'écrase. Les deux avions retournaient d'une mission de parachutage d'approvisionnements et, lorsque M. Craig a vu les nuages de mousson au loin, il a changé de cap pour les contourner, mais lorsqu'il a regardé vers l'autre Dakota pour la dernière fois, celui-ci ne semblait pas tenter de contourner l'orage.
Leslie Hempsall, de Surrey, en Colombie-Britannique, m'a communiqué certains épisodes et quelques histoires de guerre de sa remarquable carrière. Je ne lui enlèverai pas la primeur de ses aventures parce qu'il cherche en ce moment un éditeur pour publier son livre. Il porte sur sa participation à la guerre en Birmanie.
Mon voisin de fauteuil pendant le long vol, était Herbert Coons, de Toronto et Collingwood. Quelle vie intéressante il a menée depuis qu'il a quitté le service actif! La meilleure histoire de cette homme est celle qui porte sur les événements qui lui ont mérité une barrette à sa Croix du service distingué dans l'aviation remporté pour son service à Shwebo. Des pilotes japonais appelés des «zéros» ont attaqué les Dakotas non armés et M. Coons a fait des manoeuvres d'esquive très brusques. Puis il a vu un autre Dakota sous le feu de l'ennemi et, sans hésiter, a positionné son propre appareil entre le chasseur et l'autre Dakota pour créer une diversion. La manoeuvre de diversion a fonctionné, mais le chasseur ennemi s'est mis à faire feu en direction de l'avion de Coons. Il a réussi à esquiver quatre attaques, mais a perdu beaucoup d'altitude et, lorsqu'il a fait demi-tour pour contrer la cinquième attaque, il était trop bas. Il atouché un arbre et a perdu un morceau d'aile de quatre pieds. À ce moment-là, les chasseurs japonais ont mis fin à leur attaque, et Coons a réussi miraculeusement à regagner la base dans la vallée d'Imphal, littéralement sur une aile. Lorsqu'on lui a demandé plus tard ce qu'il essayait de faire en s'engageant dans un combat contre l'un des chasseurs les plus agiles alors qu'il était aux commandes d'un Dakota non armé, il a tout simplement répondu que cela lui avait semblé être la façon normale de réagir.
Je devrais raconter aux sénateurs un incident qui a ajouté une touche spéciale et personnelle au voyage. J'avais demandé de l'aide pour savoir si une certaine personne était enterrée dans ce cimetière. Après le service, je suis allé chercher sa tombe. Grâce à l'aide de Barbara Murray d'ACC et de Shelley Whiting de l'ambassade du Canada à Bangkok, j'ai trouvé la tombe du cousin de ma mère. William Bainsbridge a servi en Birmanie avec l'armée britannique et a été tué dans un piège sur la route de Birmanie en 1943. Il repose au cimetière militaire Taukkyan, non loin du cénotaphe. L'aumônier militaire Dingwall a prononcé à mon intention des paroles réconfortantes sur sa tombe, au nom des deux sœurs de William qui vivent en Angleterre. Il existe actuellement des photos d'elles en route vers ce pays.
Je terminerai mon compte rendu de ce voyage spécial et émouvant en citant le poème «Dedication», écrit par le poète et ancien combattant, Cecil Law, qui était du voyage.
Comme une pyramide dont le sommet baigne dans les premiers rayons du soleil levant, vos rêves étaient splendides.
Inspirés par une juvénile confiance en vous-mêmes et dans la bonté de la vie, forts de l'affection d'un père et de l'adoration d'une mère, peut-être bercés par l'amour d'une jeune épouse et fiers de vous retrouver dans les traits d'un enfant, ou peut-être encore sous le charme de la personne aimée, votre optimisme se nourrissait des promesses de la vie: vous aviez le monde à vos pieds...
Son Honneur le Président: Sénateur Milne, je regrette de vous interrompre, mais vos 15 minutes sont écoulées.
Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, puis-je avoir la permission de terminer mes observations?
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?
Le sénateur Gigantès: Non.
Son Honneur le Président: La permission est refusée.
Le sénateur Milne: Votre honneur, j'aimerais finir de lire ce poème.
Son Honneur le Président: Honorable sénateur Milne, j'ai demandé la permission et j'ai entendu un «non».
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, étant donné que, avec le refus du sénateur Gigantès, le sénateur Milne n'a pas obtenu le consentement unanime à cause pour terminer ce qui, à mon avis, était un discours très important et très touchant sur six anciens combattants canadiens, non seulement qui ont sacrifié leurs vies, mais dont les dépouilles n'ont été retrouvées qu'une cinquantaine d'années plus tard; étant donné par ailleurs que ce pays vient de mettre fin à des célébrations notables à l'occasion du 50e anniversaire de la fin de la Deuxième Guerre mondiale et de ces tristes et terribles événements, j'ai pensé pouvoir rendre un service au sénateur Milne en lisant le poème qu'elle était sur le point de lire. Je tiens à compléter à sa place ce que je considère comme un hommage personnel qu'elle a voulu rendre à ces jeunes hommes disparus.
Sénateur Milne, je vous remercie pour tout ce que vous avez dit. J'ai, moi aussi, écouté la Sonnerie aux morts. C'est extrêmement émouvant. J'ai écouté le poème Au champ d'honneur et la musique des Coquelicots dans le champ. Quand on assiste à ces cérémonies à la mémoire d'anciens combattants, il est difficile de ne pas avoir la larme à l'œil.
Je suis heureuse de compléter l'hommage du sénateur Milne à ceux qui sont tombés au champ d'honneur.
Le sénateur Milne: Je vous remercie.
Le sénateur Cools: Voici la fin du discours du sénateur Milne:
Je terminerai mon compte rendu de ce voyage très spécial et émouvant en citant le poème «Dedication», écrit par le poète et ancien combattant, Cecil Law.
Comme une pyramide dont le sommet baigne dans les premiers rayons du soleil levant, vos rêves étaient splendides.
Inspirés par une juvénile confiance en vous-mêmes et dans la bonté de la vie, forts de l'affection d'un père et de l'adoration d'une mère, peut-être bercés par l'amour d'une jeune épouse et fiers de vous retrouver dans les traits d'un enfant, ou peut-être encore sous le charme de la personne aimée, votre optimisme se nourrissait des promesses de la vie: vous aviez le monde à vos pieds.
Vous étiez jeunes
Soudain, comme les murs de Jéricho, vos rêves se sont écroulés, brisés par les sonneries retentissantes des trompettes de la guerre.
Vous avez péri, mais pas en vain!
Grâce à vos sacrifices, un idéal a été maintenu, une cause a triomphé, la liberté est encore une réalité, les rêves de vos frères et de vos soeurs, et peut-être de l'enfant qui ne vous connaîtra pas, sont encore possibles. Nous, qui sommes rentrés au pays et qui vous avons connus, nous vous sommes reconnaissants.
Le poème se termine ainsi:
[...] Nous sommes rentrés, encore une fois «résolus à transmettre» non pas les instruments meurtriers de la guerre, mais le vivant message écrit de votre sang: «Les jeunes Canadiens doivent avoir leur chance. Nous avons payé de notre vie pour qu'ils puissent ne pas avoir rêvé en vain.»
Le discours du sénateur Milne se termine ainsi:
Nos Forces armées canadiennes se sont comportées de façon tout simplement splendide tout au long de cette expédition. Elles nous ont vraiment remplis de fierté.
Honorables sénateurs, le poème célèbre qu'on utilise en ces circonstances est le Act of Remembrance. Lors deces cérémonies, il se trouve toujours un ancien combattant pour réciter ce texte de mémoire. En réalité, ce texte est extrait du poème de Laurence Binyon, For the Fallen. Le passage crucial est le suivant:
Ils ne vieilliront pas comme nous qui leur avons survécu. [...] Nous nous souviendrons d'eux.
La guerre est l'affaire des jeunes hommes. Pour tous ceux d'entre nous qui, au plus profond d'eux-mêmes, sentent une énorme dette de reconnaissance envers ces jeunes qui ont quitté leur famille et sont partis pour des terres lointaines parce qu'ils croyaient en la cause de la liberté, je dis un très sincère merci. Ils ne vieilliront pas comme nous.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Forrestall, le débat est ajourné.)
(Le Sénat s'ajourne au mercredi 19 mars 1997, à 13 h 30.)